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Opportunités réelles mais déficits d’investissements
La vérité est que le Sénégal à l’instar des autres pays africains est une terre d’opportunités. Et lorsque celles-ci ne sont pas saisies par les sénégalais, l’on ne pourrait blâmer les autres de le faire à notre place. De la distribution des intrants (engrais, semences, produits phytosanitaires) à la commercialisation ou la transformation agroalimentaire en passant par le financement, il reste encore beaucoup de maillons des chaînes de valeurs agricoles qui attendent d’être investis. Notre secteur privé est resté passif dans le domaine de l’agriculture. Malgré une forte participation au PIB, les investissements dans l’agriculture n’ont pas été aussi conséquents que leur contribution à l’économie nationale. Le Sénégal ne fait pas encore partie des pays ayant réellement consacré 10% de leur budget à l’agriculture. L’agriculture doit également partager ce budget avec d’autres secteurs, non moins important, tels que la santé, l’éducation, les infrastructures etc…Sans compter qu’on ne pourrait se suffire, à part l’investissement de l’Etat, de l’aide au développement. Ce déficit d’investissements constitue une opportunité que le secteur privé sénégalais doit saisir. La faiblesse des investissements n’a pas facilité un développement des secteurs en amont et en aval de la production agricole. En effet, le producteur est celui qui doit trouver un financement, aller trouver les intrants, faire sa production et devra également se tracasser avec la commercialisation de sa récolte. Autant d’activités qui reposeront sur une seule personne. Au demeurant, tous les risques inhérents à ces activités seront sous sa seule charge. Or, pour qu’une chaîne de valeur agricole soit compétitive, il faudrait que chaque acteur fasse ce qu’il sait faire le mieux. Du reste l’Etat devrait également jouer sa partition en encadrant cet investissement par la mise en place d’un cadre juridique, institutionnel et financier. Il doit également faire éviter l’accaparement des terres par les investisseurs privés qui est devenu une menace sérieuse pour l’agriculture familiale.
Investir dans l’industrie agroalimentaire
Aujourd’hui la libéralisation des marchés est devenue imminente. Bien avant même le débat sur la signature des APE, la mondialisation a imposé un rendez-vous du donner et du recevoir sur les plans politique, économique, culturel et social. Rendez-vous dont on ne sort gagnant que lorsqu’on a autant à donner que la partie « adverse ». La faiblesse des productions agricoles n’a pas joué à la faveur d’une industrialisation. Si bien que l’essentiel des produits exportés ont un degré faible de transformation. La conséquence étant qu’aucune valeur ajoutée n’est tirée de ces produits.
Les américains disent ; « we produce, what we can eat we eat what we can’t we can transform ». Cette logique de valoriser tout n’est encore bien ancrée dans la tête de beaucoup d’acteurs du monde agricole. On s’étonne même que l’on puisse tabler sur une autosuffisance en riz du Sénégal sans que dans le même temps des rizeries ne soient mises en place. La sécurité alimentaire ne procédera pas uniquement de l’augmentation des productions agricoles. Il faut également mettre ces productions en valeur notamment par la transformation. Lorsque ces mécanismes de transformation ne sont pas mis en place, la qualité ne peut être garantie, les difficultés de commercialisation ne tarderont pas également. Ce qui peut induire directement des pertes post récolte et réduire les revenus des producteurs. D’ailleurs les producteurs de la vallée parviennent à obtenir 8T/ha ce qu’un producteur thaïlandais aurait du mal à produire. Et pourtant on continue d’importer ce riz thaïlandais, importation responsable pour 16% du déficit de la balance commerciale. Il ne s’agit pas seulement donc d’un problème de production en quantité. Il y a surtout le problème de la transformation qui nécessite des investissements conséquents et qui ne saurait être sous la charge des producteurs. Le secteur privé sénégalais gagnerait donc à investir ce créneau sans quoi le riz importé sera toujours préféré au riz local.
Pour le moment nous ne disposons pas d’un tissu industriel digne de ce nom. C’est pourquoi toute ouverture des marchés serait fatale pour notre secteur agricole puisqu’on serait réduit à de simples consommateurs à la merci de prix agricoles très volatiles. L’ouverture de notre marché nécessite des prérequis tel que le renforcement de notre compétitivité. Cela passera notamment par une augmentation des investissements. Le Sénégal ne devrait pas alors être une victime dans ce marché mondial globalisé. Mais, tel un lion avide, il doit être : soit compétitif, soit disparaître.